Le premier roi de la dynastie guelwar du Sine s’appelait de son vrai nom Maissa Waly Mané. Il était le frère de la princesse Gnilane Mané. Il reçut son surnom Dione du fait qu’à la fin de son longrègne, ses successeurs, impatients de lui succéder, disaient de lui Dione, c’est-à-dire « il est encore
là », « il vit toujours ». Ce surnom resta attaché à son nom par la suite.
Maissa Waly Dione était un prince guelwar originaire du pays de Ngâbou. Il fut mystérieusement guidé par une ombre qui le conduisit successivement à Koular, à Pethia Mak (dans le Djonik-Saloum)
où il demeura sept ans et laissa sa sœur Siga Badial et Wa Kumbof, à Keur Dâbo où il fut retenu pendant deux ans par les habitants du Djonik. À Keur Dâbo, les “fétiches” lui conseillèrent de poursuivre son chemin. Il construisit donc des pirogues pour se rendre jusqu’à Sangomâr, puis à
Fadiouth 4 où Mara Diom, le neveu de Maissa Waly, se noya : c’est pour s’occuper de la sépulture de
Mara Diom que Maissa Waly installa ses esclaves à cet endroit. Deux suivantes de Maissa Waly restées à Fadhiouth y ont donné naissance aux matrilignages Sos et Tiakhanor. Après cet épisode, Maissa Waly revint à Keur Dâbo, puis se rendit à Mar Soulo où il résida deux
années. Les “fétiches” l’encouragèrent à offrir de nombreux sacrifices et lui révélèrent qu’un très bel oiseau, appelé Lam Diatta, lui montrerait le chemin. En le suivant, Maissa Waly allait pouvoir traverser le marigot de N’Dangâne 5 à pied sec, lui et sa suite. Néanmoins les “fétiches” exigèrent le
sacrifice d’une fraction de la troupe de Maissa Waly : celui-ci fit passer les nobles en tête, alors les sagnit sacrifiés, fermant la marche, furent tous engloutis à l’exception de quelques rescapés qui
parvinrent miraculeusement jusqu’à Diouroup Mbârdiam.
Maissa Waly s’arrêta brièvement à N’Dangâne avant de continuer jusqu’à Diakhanor-Palmarin où il séjourna pendant six mois. Son serpent Ginâru lui conseilla ensuite d’aller à Mbissel. Il resta six
mois à cet endroit sans parvenir à ses fins : devenir roi comme il l’escomptait.
Voici l’événement qui lui permit de prendre le pouvoir : un litige à propos d’un troupeau de bœufs restait en suspens depuis cinq ans. En effet, un Serer de Lambaye (Baol) était venu à Fadial pour y résider et y avait confié ses troupeaux avant de rentrer dans son pays où il mourut. À sa mort,
son neveu, nommé Wa Ngom Sose, vint réclamer les bœufs, mais le gardien refusa de restituer les bêtes. Le litige durait depuis cinq ans à l’arrivée de Maissa Waly à Mbissel ; celui-ci fut mis au
courant de l’affaire et sollicité de départager les rivaux. Il usa d’un stratagème qui lui permit de rendre son jugement. Il fit construire une malle dans laquelle il introduisit un enfant de sept ans environ qui
voyagea incognito avec Wa Ngom, lors de son retour au Baol. À la frontière des deux pays, des cavaliers de Maissa Waly font rebrousser chemin à Wa Ngom. Revenu à Mbissel, l’enfant fit le compte rendu exact de tout . ce qu’il avait entendu et confirma la véracité des dires de Wa Ngom : les bœufs appartenaient bien à l’oncle de ce dernier. L’intelligence dont Maissa Waly avait fait preuve à cette occasion lui permit d’être reconnu digne de la royauté. Les gens de Mbissel plébiscitèrent Maissa Waly qui accepta d’être roi à condition d’avoir à ses côtés le riche Wa Ngom qui
devint ainsi le premier Diaraf du Sine. Avant l’arrivée de Maissa Waly et son accession à la royauté, le pays du Sine était divisé entre
trois chefs de la terre appelés lamane :
— le Lam Sango, parfois nommé Diarno Diouala, résidant à Palmarin ;
— le Diémé Fadial, à Fadial

— le Wal Satim Ndok, à Ndok (à l’est du Sine actuel).
Ces chefs ont eu des successeurs après la prise du pouvoir par Maissa Waly, mais ont vu leur
influence diminuer assez rapidement.
Les Serer peuplant le Sine à l’arrivée de Maissa Waly faisaient partie de la grande migration serer
qui, partie de Sero, transita par le Tekrour, par Saldé, par le Dyolof, et vint s’installer dans la région de
Lambaye, dans le Sine et le Saloum. Cette vague de peuplement donna également naissance aux Lebu
du Cap Vert et aux Serer None.
La seconde partie des peuplements serer est constituée par les compagnons des conquérants
guelwar et de Maissa Waly en particulier. Ces Serer sont venus du Sud (Casamance) et sont
apparentés aux Diola avec lesquels ils se reconnaissent des liens de parenté jusqu’à présent.
Parmi les compagnons et la famille de Maissa Waly on note : Siga Badial, Wa Kumbof, Gnilane
Mané, Koular o Méo, Kin o Méo et Sin o Méo.
Siga Badial, la sœur de Maissa Waly, eut des relations avec Fari Diom, lors du séjour des
Guelwar à Koular, et fut mère de Mara Diom, mort à Fadiouth, et de Tening Diom. Celle-ci, mariée à
un lutteur serer, du village de Djillakh (Dieghem), nommé Boukar Djillakh Faye, donna naissance à
Tassé Faye, Wagane Faye, Mabane Faye et Gnilane Faye, qui furent tous rois du Sine ou linguère
Kin o Méo et Sin o Méo, deux sœurs de Maissa Waly, restèrent avec leur frère, alors que leur
sœur aînée, Koular o Méo, s’installa /p. 706/ définitivement à Koular. Kin o Méo eut, de Ma Dieng,
Diouma Dieng, le 4e roi du Sine, et Sin o Méo eut, de Sambaye Niane, Diomaye Niane, le 6e roi du
Sine. Kin o Méo n’eut qu’un seul descendant qui accéda au trône, tandis que Sin o Méo et Tening
Diom sont à l’origine de tous les rois du Sine.
À ses débuts, le royaume des Guelwar du Sine ne groupait guère que les pays environnants de
Mbissel. Il n’a connu, ni à cette époque, ni par la suite, aucune sujétion à l’empire du Dyolof et n’a
jamais payé de tribut au Buur-Dyolof. Ndyâdyân Ndiâye, le fondateur légendaire de l’empire du
Dyolof, a reçu son nom Ndyâdyân de la bouche de Maissa Waly qui, consulté à son sujet, lui prédit un
grand avenir.